Que deviennent nos pelouses et rochers ?
Que deviennent nos pelouses et rochers ?
Pâturées depuis des siècles par des troupeaux de moutons ou de chèvres menés par le herdier communal, les pelouses calcaires occupaient jadis d’importantes surfaces. De plusieurs milliers d’hectares au milieu du 18ème siècle, il en subsiste aujourd’hui moins de 300 en Belgique.
Que s’est-il passé ?
Dès la seconde moitié du 19ème siècle et très certainement au début du 20ème siècle, le contexte économique évoluant fortement, les pelouses calcaires ont été progressivement abandonnées, laissant la nature reprendre son évolution vers la friche puis la forêt. Des plantations ont aussi localement accéléré ce processus de reboisement. La photo ci-dessous du Mont des Pins à Bomal illustre bien ce processus : vue du début du XXème siècle et aujourd'hui.
C’est, tout d’abord, le marché de la laine qui s’est fortement modifié avec l’importation massive de laine australienne bon marché. Par ailleurs, l’apparition de coton et la fabrication de fibres synthétiques ont petit à petit réduit l’importance de la laine dans l’industrie textile, amorçant l’abandon de l’élevage ovin tel qu’il était pratiqué jusque là.
A la fin du 19ème siècle, les droits de vaine pâture et de parcours sont supprimés et la pratique des jachères est en net recul. Il est, de ce fait, de plus en plus difficile pour un éleveur ou un berger de trouver des pâtures pour le troupeau.
Dès l’après Première Guerre Mondiale, la révolution industrielle bouleverse les pratiques agricoles traditionnelles encore existantes : mécanisation, utilisation d’engrais chimiques, modification des techniques culturales marginalisent de plus en plus les coteaux calcaires peu productifs. L’entretien des terres pauvres et difficilement accessibles ne se justifiait donc plus.
Ainsi, sur quelques décennies, les pelouses calcaires furent rendues peu à peu à elles-mêmes, recevant uniquement la visite des chasseurs, des promeneurs et des ramasseurs d’escargots ou de champignons.
Sans le pâturage régulier des moutons, la nature reprend peu à peu ses droits : de graminées en broussailles, de noisetiers en bouleaux, la forêt referme lentement ces milieux jadis ouverts. En plus de cette dynamique naturelle qu’est la recolonisation forestière, la sylviculture des pins, l’urbanisation et le développement des carrières ont largement contribué à réduire les surfaces de pelouses calcaires à peau de chagrin.
Et du côté des rochers ?
L’évolution spontanée de la végétation des milieux rocheux est extrêmement lente. Malgré cette lenteur, les pelouses rupicoles (sur rochers) évoluent inexorablement vers le stade forestier et on assiste là aussi à une recolonisation progressive par le bouleau, le noisetier, le chêne... Sur les pans rocheux, le lierre peut également former de grandes draperies qui empêchent tout développement de la flore rupicole traditionnelle. A cela s’ajoutent des activités humaines destructrices comme l’exploitation rocheuses et un piétinement excessif suite à une fréquentation touristique ou sportive inadaptée.
Un patrimoine qui se fragmente
De plus en plus petites et isolées les unes des autres, les pelouses sèches sont comme des coquilles de noix au milieu de l’océan. Ophrys bourdon et Homme pendu, Petit collier de corail et Azuré frêle, Lézard des murailles ou encore Grillon des champs… sont autant d’espèces qui ne peuvent plus se maintenir sur les pelouses dégradées faute d’y trouver les conditions nécessaires à leur développement (ensoleillement, chaleur…). Dans les litières épaisses de graminées, les graines d’orchidées ne peuvent pas germer ; sans fleurs, les papillons ne peuvent pas se nourrir et sans ensoleillement des rochers, le lézard des murailles ne peut pas cheminer.
C’est donc un patrimoine naturel de haute qualité biologique, mais aussi notre héritage culturel régional, qui disparaît rapidement. La mémoire des sites persiste cependant… Les graines contenues dans le sol pourront s’exprimer si elles sont remises en lumière et les gestes des pâtres d’antan ne sont pas encore tout à fait oubliés. Alors… en route !